Ni les mises au point de l’Elysée ni le communiqué du Quai d’Orsay ne semblent avoir convaincu. A droite comme à gauche et dans la majorité, on entendait ouvrir, vendredi 28 décembre, un nouveau chapitre dans l’affaire Benalla. Selon nos informations et celles de Mediapart, M. Benalla, malgré sa mise à pied liée aux violences du 1er mai, continue de voyager avec un passeport diplomatique émis le 24 mai. C’est en effet avec un tel document qu’il a voyagé dans certains pays d’Afrique, en tant que « consultant » (comme il définit aujourd’hui ses nouvelles fonctions) en novembre et en décembre. Il avait pourtant affirmé, sous serment devant la commission d’enquête du Sénat en septembre, avoir laissé ce document dans son bureau de l’Elysée. Le Quai d’Orsay a, par ailleurs, expliqué dans un communiqué que les documents lui avaient été officiellement réclamés le 26 juillet, soit après son licenciement. Dès l’éviction de M. Benalla, l’Elysée a « demandé aux administrations compétentes […] que ces passeports soient restitués et ne puissent plus être utilisés », a confirmé vendredi la présidence. Celle-ci « ne dispose à ce stade d’aucune information remontée par les services de l’Etat concernés sur [leur] utilisation », précise le communiqué. « C’est très grave » Mais l’opposition exige désormais plus d’explications, suggérant le maintien de liens opaques entre la présidence et l’encombrant Alexandra Benalla. « On est très interrogatifs sur le scénario qui est présenté publiquement aujourd’hui, c’est-à-dire ce conflit qui subitement opposerait M. Benalla à M. Macron », a déclaré vendredi sur RTL Gilles Platret, porte-parole des Républicains. « La justice doit se saisir de cette nouvelle affaire », a-t-il insisté. « C’est au président de dire la vérité sur cette affaire, c’est très grave. Il y a mensonge et dissimulation », a renchéri sur LCI Laurence Sailliet, autre porte-parole des Républicains. « Cela peut devenir un danger pour la République », a lancé le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, sur Europe 1 : « Il est de notoriété publique qu’il continue de se balader dans l’Afrique entière, et malgré cela l’Elysée ne vérifie pas qu’il a bien rendu ses passeports diplomatiques, qui lui donnent une sorte de sésame. C’est profondément inquiétant, soit sur l’amateurisme de cette présidence, soit sur le double langage qu’elle continue d’avoir. » Pour Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement national (RN), « Alexandre Benalla n’est pas complètement sorti de l’orbite élyséenne ». Cette affaire n’aura pas de fin « tant que l’Elysée ne nous aura pas dit la vérité », a-t-il lancé sur BFM-TV. Eric Coquerel, député La France insoumise (LFI) veut, quant à lui, demander de « rouvrir une commission d’enquête à l’Assemblée nationale sur tous les tenants des affaires Benalla. Ce serait un minimum dans une démocratie normale ». « Ça suffit ! Je crois qu’à un moment ou à un autre il faudra qu’[Emmanuel Macron] s’exprime sur le sujet », a aussi estimé Jean-Christophe Lagarde, le chef de file des députés UDI-Agir. « Faute » de l’Elysée Des élus de la majorité ont, eux aussi, demandé vendredi des éclaircissements. « Il faut récupérer ces passeports », a réclamé sur Franceinfo la députée La République en marche (LRM) Cendra Motin. « Il y a clairement une faute des services de l’Elysée, qui sont d’ailleurs actuellement en pleine refonte », a-t-elle déploré, évoquant « un dysfonctionnement grave ». « Il a reçu un courrier qui exigeait qu’il remette ses passeports, courrier qu’il a d’ailleurs retiré puisqu’on sait que l’accusé de réception a bien été retiré à La Poste. (…) C’est lui qui est en faute en les ayant gardés », a jugé, pour sa part, le sénateur LRM Julien Bargeton sur BFM-TV. « Si la commission d’enquête [du Sénat] souhaite rouvrir le cas, elle est libre (…) parce que, visiblement, Alexandre Benalla aurait peut-être menti », a-t-il ajouté. Le député LRM Bruno Questel a, lui, demandé sur LCI « une enquête administrative du ministère des affaires étrangères ». L’ex-homme de confiance d’Emmanuel Macron avait été mis à pied quinze jours, du 4 au 22 mai, pour avoir molesté des manifestants en marge des rassemblements du 1er-Mai à Paris. Mis en examen en juillet, notamment pour « violences volontaires » à la suite de la diffusion d’enregistrements vidéo des faits par Le Monde, il avait fait l’objet d’une procédure de licenciement de l’Elysée le 20 juillet. Depuis, la publication spécialisée La Lettre du continent puis Le Monde ont révélé qu’Alexandre Benalla s’était reconverti « dans les affaires africaines » et qu’il avait notamment été reçu par le président tchadien, Idriss Deby, au début de décembre, quelques semaines avant la visite officielle d’Emmanuel Macron à N’Djamena, les 22 et 23 décembre. L’Elysée souligne qu’Alexandre Benalla, 27 ans, n’est en rien « un émissaire officiel ou officieux » du chef de l’Etat. Le directeur du cabinet du président de la République, Patrick Strzoda, a adressé le 22 décembre une lettre sommant l’intéressé de clarifier ses activités, particulièrement celles qu’il exerçait lorsqu’il était encore en fonction à l’Elysée.